On évoque les absents, et plus le temps passe, plus leur image
devient floue. Ils sont déjà devenus, pour les plus jeunes, des
images désuètes en noir et blanc, avec des poses rigides, ou
des portraits aux couleurs passées, dans des albums qu'on
consulte rarement. C'est devant ces albums qu'on évoque le
passé, et si l'on n'y prend garde, la prochaine génération n'y
verra que des portraits énigmatiques et démodés. Et les
enfants poseront des questions et n'obtiendront que de
vagues réponses, quand ils en obtiendront.
Maintenir la mémoire de ceux dont nous descendons, c'est
donner à ceux qui nous suivent un enracinement spirituel. On
peut, et on devrait, systématiquement, mettre à jour cette
chronique.
Une famille, c'est un ensemble
d'histoires individuelles, qui forme
une histoire collective. Dans
l'enfance, il y a des souvenirs que les
parents nous répètent, parfois d'une
manière qui nous lasse, et d'autres
auxquels on prête à peine attention.
C'est après le décès d'un proche,
souvent, qu'on s'aperçoit qu'un
autre membre de la famille
connaissait des épisodes de la vie de
son propre père, par exemple, qu'on
ignorait soi-même.
Dans les réunions de famille, on se
réjouit de voir les enfants grandir et
avancer dans la vie. Dans le même
temps, on constate les absences.
C'est dans l'ordre des choses, et il
faut que la joie côtoie la nostalgie.